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L'ŒIL D'ANIMA

Anne Duverneuil

L'ACTRICE ET LA CRUCIVERBISTE

Dans le travail de plateau de Je Suis Le Vent, tout est posé chez Anne Duverneuil. Elle vous regarde avec son regard bleu intense et vous savez que vous êtes écouté. Elle entend. Et le travail se poursuit. Au mieux. C’est aussi simple que cela. En apparence.

Avec Anne, tout commence avec les mots, l’amour des mots. Elle en est, la plupart du temps, économe pour elle-même. Sans doute est-ce logique. Très tôt, à peine était-elle entrée dans l’adolescence, le cinéma a tourné son œil de verre vers sa frimousse blonde. Est-ce là qu’elle a appris à garder la tête froide ?
 

Déjà bien galonnée côté ciné, Anne sort des années lycée en empruntant le sentier caillouteux de l’Hypo et de la Khâgne. Mais elle, elle vit le moment comme joyeux bain de littérature, de cinéma et d’émerveillement devant les infinies variations de la narration. Deux années durant, avant de… rejoindre la classe libre de Florent ! Et là, pour le théâtre, ça commence vraiment : Simon Falguières, Mathias Zakhar et beaucoup d’autres ont la grande chance de la rencontrer au sein de cette promo mémorable. Une bande se forme. Cette bande, devenue celle du Nid de cendres plusieurs années plus tard, autour de Simon, le jeune acteur-auteur transformé en chef de troupe déterminé, irradie de plus en plus. D’ailleurs, dernièrement, Anne excellait dans son incarnation d’atrabilaire sensible, celle du rôle-titre de Molière et ses Masques, la dernière pièce de Simon qui se jouait au Festival du Moulin de L’Hydre.

 

Avec Mathias, elle partage beaucoup : elle sera la jeune Wendla Bergmann de son Éveil du Printemps, puis la mystérieuse jeune femme sur le pont des Nuits Blanches dans l’adaptation de Dostoïevski qu’il met en scène. Dans la nuit pétersbourgeoise, avec Charlie Fabert comme partenaire de jeu, tous deux forment un duo d’une complicité rare : personnages et acteurices pétris par la beauté et la force du langage.

Mais tout ça c’est plus tard ! Revenons à son envol de la classe libre, direction Toulouse, atterrissage dans les espaces de l’Atelier du Théâtre national pour parfaire sa formation. Elle y rencontre Sébastien Bournac qui la dirigera dans Ibsen et Wedekind, déjà. Pas de la petite bière. Elle trouve le temps d’un saut au Théâtre de La Ville à Paris, chez Emmanuel Demarcy-Mota. Elle joue y dans la création de Zoo ou l’assassin philanthrope et les Fantômes de Naples. Pour anima motrix, enfin, elle sera la vive et pétillante Flora, fille cachée d’Almaviva dans La Mère Coupable de Beaumarchais. Là où elle rencontre Emma Gustafsson.

Dans ce moment de répétition marseillais, au sein d’une maison pour la danse, la bien nommée KLAP, elle est “L’autre”. Sous la direction d’Emma, elle est celle qui questionne dans Je Suis Le Vent. Concentrée, si belle tête chercheuse au côté de son généreux partenaire Nicolas Martel, elle phosphore, elle brille. Mais quand elle le peut, dès qu’elle le peut, devant la porte de KLAP, assise une clope au bec sous le doux soleil marseillais de cette fin septembre, elle sort une grille de mots croisés. Oui. Nous l’avons toujours connue, même dans les moments les plus intenses, dans la loge, avant la représentation, avec cette réserve à elle, son espace de cases noires et blanches. Alors, olympienne, implacable, elle trace des mots.

 

Des mots qu’elle désensable de toutes les roueries, de toutes les malices afin de leur redonner la lumière.

 

L'œil d'anima

octobre 2024

photo © Polo Garat

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